Avenue Robert Buron, temps de chien et mémoire d'éléphant. Dans les années 80, on a rôdé par ici. En toutes saisons, à toute heure, sur tous les tons, sous tous les cieux, le jour à peine levé, la nuit qui tombe, la lumière de juin. D'un pas brouillon, lourd, désespéré, amoureux, tragique, dissipé, m'en fous la vie, existentiel, politique, récalcitrant, fanfaron. Et souvent bien mal fagottée, en quête de style.
En 2014, premièrement, se renseigner sur Robert Buron. Découvrir que l'homme n'a gouverné la ville que deux petites années. Cette artère apparemment si essentielle, emblématique, impérative même, une sorte de colonne vertébrale de la ville forcément dédiée à un illustre, cette artère déçoit vaguement.
Deuxièmement, retrouver des traces, des permanences. La perspective de l'avenue, d'accord. Le grand carrefour, oui. Le bleu et rouge de la radio locale, aussi. Un café, peut-être. Point final et maigre butin.
Car, désormais, on reluque. L'affaire Robert Buron n'étonne pas autant que la façade de la maison du tourisme : "Chemin de fer, Challans, Laval, Landivy". Que fait ce truc ici.
Un Hotel du Nord, une enseigne élégante, un mur peint, des portes sophistiquées, quelques façades pas banales. Tout était là évidemment. Rien n'a disparu, le regard ailleurs, plus intérieur, vous n'avez rien vu. Tous ces détails snobés, du grand art !
Troisièmement, trouver un lieu familier. Trente ans, c'est un choc quand même, ça remue, être une inconnue dans une rue qu'on a si bien connu. Heureusement, il y a la maison boutique de Karim. S'y nichent des repères presque accueillants, contemporains. Des bricoles qui relient à aujourd'hui mais il en faut peu.
Sur les quais, la belle affiche des Nuits de la Mayenne te parle et te dit, ne t'en fais pas, tout va bien.